Cancer du sein chez l’homme: une piste clé pour comprendre les risques professionnels du cancer du sein?

Contexte

Environ 200 hommes reçoivent un diagnostic de cancer du sein chaque année au Canada, ce qui représente moins de 1 % des cas de cancer du sein [1-3]. En raison du manque de dépistage et de détection précoce du cancer du sein chez l’homme, les cas sont souvent diagnostiqués à un stade plus tardif que chez les femmes, ce qui entraîne une survie plus faible [4]. Il existe de nombreux facteurs de risque bien établis pour le cancer du sein chez la femme, tels que les antécédents familiaux de cancer du sein, les mutations génétiques BRCA, les antécédents reproductifs (p. ex., ménopause tardive, grossesses tardives ou absentes), l’utilisation de contraceptifs ou d’hormonothérapie, l’exposition aux rayonnements ionisants, l’obésité, les troubles physiques, l’inactivité, la consommation d’alcool et un statut socio-économique plus élevé [2, 5-6]. Certains de ces facteurs de risque, tels qu’un statut socio-économique plus élevé, des facteurs reproductifs et hormonaux (p. ex., la parité, l’utilisation de contraceptifs) sont plus fréquents chez les femmes actives, mettant souvent de côté le rôle que joue la profession dans le risque de cancer du sein [7]. On en sait moins sur le cancer du sein chez l’homme, car il est rare, mais il partage certains facteurs de risque avec le cancer du sein chez la femme, tels que les antécédents familiaux de cancer du sein, les mutations génétiques BRCA, l’obésité, les déséquilibres hormonaux et l’exposition aux rayonnements ionisants [2, 5-6]. L’étude du risque de cancer du sein chez l’homme offre l’opportunité d’en savoir plus sur les facteurs de risque professionnels du cancer du sein chez la femme [8].

Facteurs de risque professionnels possibles
Travail de nuit [6]
Composés perturbateurs endocriniens [9-10]
Oxyde d’éthylène [6]
Hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAHS) [9]
Solvants organiques [11]
Rayonnement X et gamma [6, 9, 12]

Le Système de surveillance des maladies professionnelles (SSMP) offre l’occasion unique d’examiner le cancer du sein chez l’homme et chez la femme dans une grande cohorte de travailleurs, identifiant 492 hommes et 17 865 femmes atteints d’un cancer du sein. Les groupes professionnels spécifiques du SSMP avec le plus grand nombre de cas de cancer du sein chez l’homme sont présentés à la figure 1.

Figure 1. Pourcentage de cas de cancer du sein chez l’homme par groupe professionnel dans la cohorte SSMP.

Risques professionnels

Les résultats suivants montrent l’augmentation en pourcentage du risque de cancer du sein chez l’homme et chez la femme parmi les groupes de travailleurs d’une industrie ou d’une profession spécifique par rapport à tous les autres travailleurs suivis dans le SSMP.

La santé du personnel infirmier

Des études antérieures ont constamment montré un risque accru de cancer du sein chez les infirmières, attribué souvent au travail de nuit [6,9,11,13-14]. De même, des risques accrus de cancer du sein chez l’homme et la femme ont été observés principalement dans les professions d’infirmières du SSMP. Le travail posté peut entraîner une suppression de la mélatonine, qui a été signalée comme un risque de plusieurs cancers, dont celui du sein [15]. Le travail posté perturbe le rythme circadien, entraînant des effets néfastes sur la fonction immunitaire et l’équilibre hormonal [9]. Des études n’ont trouvé aucune différence entre le sexe et le travail posté de nuit et le risque de cancer, ce qui confirme le travail posté de nuit comme facteur de risque chez l’homme et la femme [15-16]. Les infirmiers et infirmières peuvent également être exposés à des agents antinéoplasiques, qui sont des médicaments dangereux utilisés pour traiter le cancer et qui peuvent endommager l’ADN [17]. D’autres professions de la médecine et de la santé ont également montré un risque accru de cancer du sein, y compris les technologues de laboratoire médical et de radiologie. Ces travailleurs peuvent également être exposés à des rayonnements ionisants ou à l’oxyde d’éthylène, un produit chimique utilisé dans la stérilisation du matériel médical et dentaire, tous deux associés à un risque accru de cancer du sein [18-20].

Industrie ou profession  Risque accru
Hommes Femmes
Industrie des services de santé et de bien-être 185%* 8%*
Professions en médecine et en santé 383%* 10%*
Personnel spécialisé et auxiliaires des soins infirmiers et thérapeutiques 373%* 8%*
Infirmières, autorisées, diplômées et infirmières en formation 738%* 19%*
Profession d’aide-soignant et de préposé aux bénéficiaires 472%* 6%
Autres professions en médecine et santé 550%* 18%*
*Statistiquement significatif (α=0,05)

Éducation et professions connexes

Des risques accrus de cancer du sein chez l’homme et la femme ont été observés dans les professions liées à l’éducation, à l’enseignement, aux sciences sociales et au travail de bureau dans le SSMP. Des études antérieures ont signalé un risque accru de cancer du sein chez les femmes exerçant des professions libérales sans indication claire des expositions impliquées [21]. Les résultats peuvent être liés à un comportement sédentaire et à un manque d’activité physique. Il est bien établi que l’activité physique est un facteur important dans la prévention du cancer du sein, dans la diminution des hormones sexuelles et dans la réduction de l’adiposité et de l’inflammation [22-23]. Il a été démontré que l’activité physique professionnelle et non professionnelle réduit le risque de cancer du sein par rapport aux habitudes de travail sédentaires [24]. Les résultats peuvent également être liés à une augmentation du stress dans ces professions, mais les preuves ne sont pas nombreuses [25].

Industrie ou profession Risque accru
Hommes Femmes
Enseignement et services annexes 79%* 21%*
Écoles primaires et secondaires 54%* 19%*
Enseignement primaire et secondaire professions d’enseignement 116%* 27%*
Autres enseignants et personnel assmilé 25%*
Travailleurs spécialisés des sciences sociales et secteurs connexes 165%* 14%
Personnel administratif et travailleurs assimilés 45%* 10%*
–nombre de cas <5; *Statistiquement significatif (α=0,05)

Autres professions

Les autres professions présentant un risque accru de cancer du sein chez l’homme comprennent les transports et la conduite d’équipements (133 %) et les activités de préparation d’aliments et de boissons (184 %), éventuellement liées à des expositions chimiques (p. ex., les solvants organiques, les hydrocarbures aromatiques polycycliques [HAP]) et le travail posté [5]. Dans le SSMP, il y avait un nombre plus élevé de cas de cancer du sein chez les hommes ayant un travail de concierge ou de nettoyeur. Les concierges et les nettoyeurs peuvent être exposés à une variété de produits chimiques (p. ex., l’acétone, le formaldéhyde, les surfactants) et le travail de nuit [5].

Reconnaissance des risques

Le cancer du sein est influencé par un mélange complexe de facteurs, et la compréhension du rôle des facteurs de risque professionnels reste limitée. Étant donné que le SSMP a identifié des risques accrus de cancer du sein dans des groupes de travail similaires pour l’homme et la femme, l’effet des facteurs de risque professionnels ne doit pas être ignoré. Une enquête plus approfondie dans des groupes spécifiques, tels que les travailleurs des services, est nécessaire. Cela peut conduire à une meilleure sensibilisation au cancer du sein chez l’homme et aider à comprendre et à prévenir les facteurs de risque spécifiques impliqués dans le cancer du sein.

Références
  1. Cancer Care Ontario. 2019. Breast cancer.
  2. Canadian Cancer Society. (2021). Risks for breast cancer.
  3. Sritharan J, MacLeod JS, Dakouo M, Qadri M, McLeod CB, Peter A, & Demers PA. Breast cancer risk by occupation and industry in women and men: Results from the Occupational Disease Surveillance System (ODSS). American Journal of Industrial Medicine, 2019, 62:3, 205-211.
  4. International Agency for Research on Cancer (IARC). List of Classifications by cancer sites with sufficient or limited evidence in humans, IARC Monographs Volumes 1-127(2020).
  5. Akinyemiju TF, Pisu M, Waterbor JW & Altekruse SF. Socioeconomic status and incidence of breast cancer by hormone receptor subtype. Springerplus. 2015 Dec;4(1):1-8.
  6. Fenga C. Occupational exposure and risk of breast cancer (Review). Biomed Reports. 2016;4(3):282–92.
  7. Gray JM, Rasanayagam S, Engel C, Rizzo J. State of the evidence 2017: An update on the connection between breast cancer and the environment. Environmental Health 2017;16(1):1–61.
  8. Labrèche F, Kim J, Song C, Pahwa M, Ge CB, Arrandale VH, et al. The current burden of cancer attributable to occupational exposures in Canada. Prev Med. 2019;122:128–39.
  9. Weiss JR, Moysich KB, Swede H. Epidemiology of male breast cancer. Cancer Epidemiology Biomarkers Prev. 2005 Jan 1;14(1):20-6.
  10. Hansen J, Stevens RG. Case-control study of shift-work and breast cancer risk in Danish nurses: Impact of shift systems. European Journal of Cancer. 2012;48:1722–1729.
  11. Lie JA, Andersen A, Kjaerheim K. Cancer risk among 43000 Norwegian nurses. Scandinavian Journal of Work and Environmental Health. 2007;33:66–73.
  12. Liu W, Zhou Z, Dong D, Sun L & Zhang G. Sex differences in the association between night shift work and the risk of cancers: a meta-analysis of 57 articles. Disease Markers, 2018, 7925219
  13. Pukkala E, Martinsen JI, Lynge E, Gunnarsdottir HK, Sparen P, Tryggvadottir L, Weiderpass E & Kjaerheim K. Occupation and cancer – follow-up of 15 million people in five Nordic countries. Acta Oncol 2009;48(5):646-790.
  14. (2004). NIOSH alert: preventing occupational exposures to antineoplastic and other hazardous drugs in health care settings.
  15. Preston DL, Kitahara CM, Freedman DM, Sigurdson AJ, Simon SL, Little MP, Cahoon EK, Rajaraman P, Miller JS, Alexander BH, Doody MM & Linet MS. (2016). Breast cancer risk and protracted low-to-moderate dose occupational radiation exposure in the US radiologic technologists cohort, 1983-2008. British Journal of Cancer, 115(9): 1105-1112.
  16. Mohan AK, Hauptmann M, Freedman DM, Ron E, Matanoski GM, Lubin JH, Alexander BH, Boice JD Jr, Doody MM and Linet MS. (2003). Cancer and other causes of mortality among radiologic technologists in the United States. International Journal of Cancer , 103: 259-267.
  17. US National Toxicology Program. Report on Carcinogens, Fourteenth Edition: Ethylene oxide. 2016.
  18. Ji BT, Blair A, Shu, XO et al. Occupation and breast cancer risk among Shanghai women in a population-based cohort study. American Journal of Industrial Medicine, 2008, 51(2): 100-110.
  19. Kruk J. (2009). Lifetime occupational physical activity and the risk of breast cancer: a case-control study. Asian Pac J Cancer P, 10(3): 443-448.
  20. Ekenga CC, Parks CG & Sandler DP. (2015). A prospective study of occupational physical activity and breast cancer risk. Cancer Cause Control, 26(12): 1779-1789.
  21. Chen X, Wang Q, Zhang Y, Xie Q & Tan X. Physical activity and risk of breast cancer: a meta-analysis of 38 cohort studies in 45 study reports. Value Health, 2019, 22(1): 104-128.
  22. Pudrovska T, Carr D, McFarland M & Collins C. (2013). Higher-status occupations and breast cancer: a life-course stress approach. Social Science & Medicine, 89: 53-61.

Les alertes de surveillance du Système de surveillance des maladies professionnelles (SSMP) fournissent de brefs résumés des expositions professionnelles et des risques de maladie dans différentes industries et groupes professionnels. L’objectif de ces alertes est de mettre en évidence les problèmes nouveaux ou émergents détectés par la surveillance des maladies professionnelles. À l’heure actuelle, le SSMP inclut les travailleurs de 1983 à 2014 et suit leurs résultats de santé jusqu’en 2016. Ces alertes ne reflètent que les maladies actuellement suivies au sein du SSMP. Le système est mis à jour et étendu en permanence.

Pour de plus amples renseignements sur le SSMP, y compris les sources de données, les méthodes et les résultats les plus récents, rendez-vous sur ODSP-OCRC.ca/fr et OccdDseaseStats.ca/#/?locale=fr et https://occdiseasestats.ca/#/?locale=fr